Politiquement correct

L’enfer est pavé de bonnes intentions. On dirait que tout le monde a oublié ce proverbe, et que seules les bonnes intentions comptent désormais, à part pour quelques irreductibles.

On est tombé bien bas dans le débat politique français, en ce lendemain des élections diverses de 2022. Dans mon 18e arrondissement, nous avons la chance d’avoir des amis des animaux, des antispécistes, c’est-à-dire des gens qui ont inventé une théorie afin de pouvoir être contre. Après l’ami des moustiques, nous voilà avec des amis des rats, pardon, des surmulots.

Intolérable cruauté

Chose curieuse chez ces animaux là (car oui, les antispécistes sont donc des animaux comme les autres), les paradoxes ne les effraient pas : il est intolérable que l’homme soit au centre de la Nature (avec un N majuscule pour la personnifier), il est donc interdit de manger un autre animal ou de modifier la Nature (sous-entendu : écraser un moustique).

Or si on laisse vivre les moustiques, il faut aussi laisser vivre la gazelle proie de ce vilain lion carnivore qui ne fait rien que rendre cruelle cette Nature pourtant destinée à être si belle. Laissons de côté la polémique sur l’empreinte carbone des steaks, je ne parlerai ici que du fait que les animaux s’entremangent.

Or s’il est intolérable de voir autant de violence aveugle dans la nature, que peut-on proposer contre cela ? Si on se dit que finalement c’est normal de se manger les uns les autres, et alors il n’est plus possible de dire à l’homme de ne plus manger de steak : pourquoi interdire à l’homme ce qui est autorisé aux animaux, sauf à mettre l’homme à part, en devenant le seul animal à qui on impose son alimentation pour des raisons idéologiques. Le carnage sanglant continuera alors dans notre si belle Nature.

Le syndrome de Walt Disney

Ou sinon on se dit qu’il faut rendre ce vilain lion végétarien (par on ne sait pas quel procédé), et dans ce cas on dénature la Nature, en allant même jusqu’à la façonner à notre idée humaine, et donc de faire de facto l’homme maître de cette Nature et de lui accorder une toute puissance sur celle-ci alors qu’on milite pour lui donner au contraire une position identique à celle des autres animaux.

Il est vrai qu’il n’y a que peu d’animaux sur Terre tuant par jeu ou par cruauté (nos amis les chats font partie, comme nous, de ce cercle d’élite) mais la vie sur Terre est une question d’équilibre et non de bons sentiments : le lion ne se préoccupe pas de savoir si tel faon a bien profité de la vie ou si telle gazelle a des responsabilités familiales, son seul objet est de se nourrir, il n’a pas conscience d’autre chose. Quant aux moustiques, vous serez gré d’indiquer aux oiseaux, aux chauves-souris, aux araignées et autres libellules d’arrêter d’en manger autant.

Si on parle de la propension humaine à la cruauté le poussant à écraser le misérable moustique femelle qui ne fait rien d’autre qu’à vouloir nourrir ses enfants, alors désolons-nous que certains amis des bêtes n’ont du monde animal qu’une vision digne des dessins animés de Walt Disney. Désolé, monsieur le député, mais les moustiques se feront quand même bouffer par d’autres bestioles même si on ne les écrase pas.

Dérive impressionniste

La seule conclusion est qu’il ne faut pas décider qu’avec ses impressions et ses sentiments, fussent-ils bons : l’homme a pour responsabilité d’assurer sa survie, et pour cela il a besoin d’assurer la survie des animaux et de la nature, de façon générale, mais de façon réfléchie et non de façon arbitraire.

Aujourd’hui, sur n’importe quel sujet, tout dérive fatalement vers une polarisation des différentes positions (qui en deviennent même des opinions) : soit on est pour, soit on est contre. Il n’y a pas la place pour 50 nuances de gris : la discussion, l’échange d’idées, la confrontation, l’analyse, l’erreur (ou le changement d’avis suite à une erreur) n’ont plus cours en ce bas monde, et la méfiance de trop nombreuses personnes envers la science (par exemple) n’en est que la flagrante et déprimante preuve !

Nous sommes habitués à ce que tout le monde donne son avis et son opinion sur tout, y compris sans connaître quoi que ce soit au sujet concerné. La méfiance vis-à-vis de certaines élites est en train de dériver vers une méfiance envers toutes les élites, y compris celles issues de l’expérience et du savoir.

Lectures intéressantes (très partiel, à compléter)

Ça permet déjà de s’élever au-dessus de la mêlée.